CHATEAUX EN COGLES
Il en est des monuments comme des humains : certains, modestes, ont du mal à s’épanouir à l’ombre des plus grands. C’est le cas pour un certains nombre de châteaux du Coglès qui souffrent de la présence de deux encombrants voisins : le château de Fougères, impressionnante forteresse médiévale avec ses 13 tours et ses 3 enceintes et plus au Nord, le Mont Saint Michel qu’il est inutile de présenter.
Le Coglès, cette marche entre Bretagne et Normandie, est un pays de granit qui peut paraître monotone à moins de se plonger dans ses chemins de bocage (même si le remembrement y a fait, là aussi, ses dégâts …) à la recherche d’un habitat traditionnel des mieux conservé.
Nous aborderons ce pays par la commune de Saint Brice en Cogles qui abritent deux joyaux de l’architecture nobiliaire du XVIIème siècle : le Rocher Portail et le château de Saint Brice (dit aussi château de la Motte).
LE ROCHER PORTAIL.
Cette demeure splendide, une des plus grandes d’Ille et Vilaine, a été construite à l’emplacement d’un ancien château dit Rocher Sénéchal.
Il fût construit à la demande de Gilles Ruellan, un obscur voiturier né à Antrain : il ne possédait au départ que deux chevaux et se livrait au transport des toiles à voile vers Saint Malo. Ruellan, qui ne sait ni lire ni écrire, est un homme avisé et il réussit à acheter une sous-ferme des impôts et billots (taxe sur l’alcool). Au moment des guerres de religion, il se fait trafiquant d’armes pour le compte du Duc de Mercoeur mais se rapproche d’Henri IV quand il sent le vent tourner.
En 1598, la paix revenue, il s’associe à des marchands lyonnais et parisiens mais il reste seul très peu de temps après et étale sa réussite. Il est anobli en 1604, devient chevalier 6 ans plus tard et obtient le titre de baron du Tiercent en 1613. On l’appelle alors Gilles de Ruellan, seigneur du Rocher Portail et du Tiercent. Il s’allie à la haute noblesse bretonne en y mariant ses filles : la dernière, Guyonne, épousera le duc de Brissac, lieutenant général du gouvernement de Bretagne. Quand à ses fils, ils réussiront eux aussi : l’un sera maître des requêtes et l’autre conseiller au parlement de Rennes.
(Pour plus de détails sur ce parfait arriviste, on lira l’excellent livre de Joël Cornette : Histoire de la Bretagne et des Bretons aux pages 522 et 523 du Tome I).
Ruellan se fit également construire deux autres demeures : Monthorin en Louvigné du Désert et la Balue près de Bazouges la Pérouse.
Ce château est privé, on ne peut donc le contempler que de l’extérieur. On remarquera en particulier les hautes cheminées sur des toitures à la Mansard. L’aile nord, qui donne sur l’étang, est agrémentée d’une surprenante galerie ouverte (réminiscence tardive de l’architecture de la Renaissance). L’aile sud, quant à elle, évoque davantage le Moyen Age avec une entrée à pont levis qui relie la cour centrale aux communs du château.
LE CHATEAU de SAINT BRICE.
Ce château qui jouxte le bourg est contemporain, du moins dans son état actuel, de celui du Rocher Portail. Il est lié au souvenir du marquis de la Rouerie qui participa à la guerre d’indépendance américaine sous le nom de colonel Armand. Il aurait rapporté de là-bas les tulipiers qui ornent encore le parc du château. Le marquis épousa une demoiselle de Saint Brice avec qui il vécut non loin de là au château de saint Ouen la Rouérie (construit vers 1730).
Charles Armand Tuffin de la Rouerie deviendra surtout célèbre pour sa participation à l’Association Bretonne qui, en 1792, s’apprêtait à provoquer l’insurrection des campagnes bretonnes contre la Convention. La Rouerie fut bien prêt de réussir : début 1792, il disposait de plus de 6 000 fusils et s’appuyait sur un vaste réseau de contre-révolutionnaires. Il fut trahi par un ami, échappa à la guillotine mais mourut d’une fièvre maligne en 1793.
Mais revenons au château de la Motte qui n’a que peu de chose à voir avec celui du Rocher Portail. Entouré d’étangs, il était autrefois fortifié comme en témoigne le reste de l’entrée où l’on devine la présence d’un pont levis reste d’un ancien château qui aurait déjà été en ruines en 1580.
Détail intéressant : une balustrade élégante qui décore l’angle d’un pavillon et dont le dessin se retrouve autour du bassin de la cour intérieur.
Ici aussi, on ne peut visiter que l’extérieur.