COMBOURG : LE CALME MORNE …

COMBOURG : LE CALME MORNE …

Petit voyage (en juin 2007) sur les traces de François René de Chateaubriand …


« Le calme morne du château de Combourg … » : c’est ainsi que François René de Chateaubriand (1768-1848) perçoit la forteresse que son père achète en 1761. Ce château garde en effet le souvenir de l’écrivain qui y passera une grande partie de son enfance et où il se veut malheureux.

« Si la tristesse était grande sur les bruyères de Combourg, elle était encore plus grande au château : on éprouvait, en pénétrant sous les voûtes, la même sensation qu’en entrant à la Chartreuse de Grenoble. »


vue générale de Combourg vers 1940

Bien sûr, l’histoire de Combourg ne commence pas avec l’arrivée du Vicomte de Chateaubriand

C’est un archevêque de Dol, Guinguené, qui érige au XIème siècle une première forteresse pour défendre son fief. Son frère bâtard, Riwalon, héritera du château et la baronnie qui l’entour. Petit à petit, les seigneurs de Combourg vont s’affranchir de la tutelle épiscopale et dépendront bientôt directement du duc de Bretagne.

Combourg est proche de la Normandie et le château subira plusieurs sièges entre le XIème et le XIIIème siècle. Ainsi en 1064, Riwalon s’allie à Guillaume le Bâtard contre le duc Conan (les péripéties du conflit entre Guillaume et Conan font l’objet des premières scènes de la tapisserie de Bayeux). Le duc de Bretagne, vainqueur du normand, reprendra le château de Combourg et chassera Riwalon de ses terres.
En 1164, après un long siège, la forteresse tombe aux mains de Richard de Homstat, connétable de Normandie. Cet épisode met fin, temporairement, aux velléités de résistance d’une bonne partie de la noblesse bretonne face aux prétentions d’Henri II Plantagenet de soumettre le duché (à cette époque, Jean de Dol règne sur la double châtellenie de Dol-Combourg).
Au fil des siècles, le château va appartenir à quelques grands noms de la noblesse bretonne : après les Dol-Combourg, nous trouvons les Combourg-Soligné puis la famille de Châteaugiron, d’Acigné, de Coêtquen … Au XVIIIème siècle, il est la propriété du maréchal de Duras qui le vend au père de François René de Chateaubriand.

Extérieurement, Combourg a conservé le plan des ouvrages médiévaux (XIVème et XVème siècle) quadrilatère flanqué de 4 tours d’angle.
La tour du More, à l’angle Nord-Est, est la plus ancienne et date du XIVème siècle. Les trois autres tours ont été baptisées plus récemment : tour Sybille, tour du Croisé et tour du Chat.
Profondément remaniè à partir de 1875, le château s’est vu doté d’un escalier monumental qui remplace le « large perron, raide et droit, de vingt deux marches sans rampe[qui] remplacait sur les fossés comblés l’ancien pont-levis. »
Quant à l’intérieur, le décor néo-gothique abrite des salles musées dédiées à la mémoire de l’auteur de René.


Chateaubriand sur son lit de mort (par Mazerolle – 1848)

Chateaubriand évoque souvent, dans son œuvre, le château familial. Il le décrit ainsi dans le livre II des Mémoires d’Outre-tombe :


une ancienne édition …

« Le château se montrait entre deux groupes d’arbre. Sa triste et sévère façade présentait une courtine portant une galerie à mâchicoulis, denticulée et couverte. Cette courtine liait entre elles deux tours inégales en âge, en matériaux, en hauteur et en grosseur, lesquelles tours se terminaient par des créneaux surmontés d’un toit pointu, comme un bonnet posé sur une couronne gothique.
Quelques fenêtres grillées apparaissaient çà et là sur la nudité des murs. […] Le perron atteignait la porte du château percée au milieu de la courtine. Au dessus de cette porte, on voyait les armes des seigneurs de Combourg et les taillades à travers lesquelles sortaient jadis les bras et les chaînes du pont-levis. […]

Les embrasures des fenêtres étroite et tréflées étaient si profondes qu’elles formaient des cabinets autour desquels régnait un banc de granit. Mêlez à cela, dans les diverses parties de l’édifice, des passages et des escaliers secrets, des cachots et des donjons, un labyrinthe de galeries couvertes et découvertes, des souterrains murés dont les ramifications étaient inconnues ; partout silence, obscurité et visage de pierre : voilà le château de Combourg. »

Le poète nous décrit également « son donjon » (livre III du même ouvrage) :

« La fenêtre de mon donjon s’ouvrait sur la cour intérieure ; le jour, j’avais en perspective les créneaux de la courtine opposée, où végétaient des scolopendres et croissait un prunier sauvage. Quelques martinets, qui durant l’été s’enfonçaient en criant dans les trous des murs, étaient mes seuls compagnons. La nuit, je n’apercevais qu’un petit morceau de ciel et quelques étoiles. Lorsque la lune brillait et qu’elle s’abaissait à l’occident, j’en étais averti par ses rayons, qui venaient à mon lit au travers des carreaux losangés de la fenêtre. »

Même s’il ne semble pas avoir gardé un souvenir impérissable de la forteresse de Combourg, Chateaubriand y est fortement attaché. Dans son roman René paru en 1802, il raconte le voyage du héros qui vient dire adieu à la demeure de ses ancêtres :

« Mon frère aîné avait vendu l’héritage paternel et le nouveau propriétaire ne l’habitait pas. J’arrivai au château par la longue avenue de sapins ; je traversai à pied les cours désertes ; je m’arrêtai à regarder les fenêtres fermées ou demi-brisées, le chardon qui croissait au pied des murs, les feuilles qui jonchaient le seuil des portes, et ce perron solitaire où j’avais vu si souvent mon père et ses fidèles serviteurs. Les marches étaient déjà couvertes de mousse ; le violier jaune croissait entre leurs pierres disjointes et tremblantes. »

Chateaubriand a inventé la scène pour les besoins de son récit : en fait, après avoir quitter Combourg, il y revint trois fois, la première au décès de son père, une autre fois pour accompagner sa mère et enfin, avant de s’embarquer pour l’Amérique. Il nous livre ses impressions lors de ce dernier voyage dans les Mémoires (Livre III) :

« Le château était abandonné, je fus obligé de descendre chez le régisseur. Lorsque, en errant dans le grand mail, j’aperçus du fond d’une allée obscure le perron désert, la porte et les fenêtres fermées, je me trouvai mal. Je regagnai avec peine le village ; j’envoyais chercher mes chevaux et je partis au milieu de la nuit. »

Pour terminer, écoutons le vicomte nous parler du chat de Combourg qui a laissé son nom à l’une des tours (Mémoires. Livre III) :

« Les gens étaient persuadés qu’un certain comte de Combourg, à jambe de bois, mort depuis trois siècles, apparaissait à certaines époques et qu’on l’avait rencontré dans le grand escalier de la tourelle : sa jambe de bois se promenait aussi quelquefois seule avec un chat noir… »

Comme quoi, dans les châteaux bretons, tout finit avec des fantômes !


Le parc du château contient de très beaux arbres dont celui-là associé au souvenir de Lucile, la soeur préférée …

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