TINTENIAC et le BARZAZ BREIZ
L’épopée du Chevalier Vincent de Tinténiac dans les armées chouannes est de courte durée. Il n’a que 31 ans au moment où les émigrés débarquent à Quiberon. Notons cependant, qu’à l’époque de la Révolution, cet âge le classe parmi les vétérans (cette même année, Hoche n’a que 27 ans et Bonaparte 26). De ce fait, c’est Tinténiac qui prend le commandement de l’Armée Rouge avec Georges Cadoudal (24 ans). Georges est malgré tout le véritable meneur de cette bande tant est grande déjà son emprise sur les Chouans morbihannais plus enclins à obéir à l’un des leurs plutôt qu’à un Monsieur venu de Londres. D’Hervilly, qui a obtenu des Anglais le commandement des régiments de ligne embarqués, a d’ailleurs peu confiance en ces 10 000 paysans vêtus de guenilles et réfractaires, croit-il, à toute discipline. Il essaiera bien d’en solder quelques uns et de les intégrer, en uniforme, dans ses régiments de ligne. Cette tentative de détournement provoquera la colère de Georges et ce sera finalement un échec.
Tinténiac et Cadoudal ont d’autres raisons d’en vouloir à D’Hervilly : ils refusent sa tactique qui consiste à s’enfermer derrière les murailles de Penthièvre pour attendre les Bleus. Cela permettra d’ailleurs à Hoche de regrouper les troupes républicaines pour l’assaut final que l’on sait. Tinténiac obtient donc d’être débarqué avec Georges sur les côtes de la Presqu’île de Rhuys tandis que Jean Jan et de Lantivy se posent, plus à l’Ouest, dans l’embouchure de l’Aven entraînant avec eux quelques familles de paysans qui s’étaient réfugiées sur Quiberon.
Mais revenons à Coëtlogon (oubliez le « t » et prononcez Coêlogon si vous ne voulez pas passer pour un Parisien inculte …) : par sa mort, Tinténiac entre dans la légende. Champeaux, à la tête de 3 000 soldats républicains, tente d’interrompre la remontée de l’Armée Rouge vers les côtes de Saint Brieuc. La lutte est sérieuse (les deux troupes sont de même importance) et la légende veut que Tinténiac reçoive en pleine poitrine la balle d’un grenadier qu’il poursuivait. Il meurt dans les bras de Julien Cadoudal, le jeune frère de Georges, qui suit les Chouans comme aide de camp du Chevalier.
On retrouve tout ce beau monde dans une chanson collectée par Hersart de la Villemarque et publiée dans le Barzaz Breiz en 1867.
Voici quelques extraits de Ar Chouanted (dialecte du bas Vannetais) :
Julian bleu-ru a lare d’he wann goh ur mitin :
Me ia me ged Tinteniak, pe mouet a blij d’ein.
De deu vreur dez me losket, ha te me losk eue !
Mes mar plij d’id de vonet, ra de renai Doué !
Julien aux cheveux roux disait à sa vieille mère un matin :
Je m’en vais moi rejoindre Tinténiac car il me plait d’aller.
Tes deux frères m’ont abandonnée et toi tu m’abandonnes aussi
Mais s’il te plait d’aller, va-t-en à la garde de Dieu !
Pe zeie er Chpuanted, ez a bob korn a Vreizh
A Dreger hag a Gerne, hag a Wenned ileih,
Er re c’hlaz digouch get-he, e maner Koatloguen,
Ez a gosteeu Bro-c’hall, tri mil enn ur vanden.
Comme les Chouans arrivaient de chaque partie de la Bretagne
De Tréguier, de Cornouaille et surtout de Vannes,
Les Bleus les rejoignirent au manoir de Coëtlogon
Ils venaient du pays de France et étaient trois mille.
…
Ken n’hen gwelez ket mui tamm, hag en gwelez endro
Hag en tennet a goste didan ur ween dero,
E ouilein leih he galon, chouket get hon he benn
Enn eutreu Tinteniak por a-drez ar he varlen.
Et je cessais de le (Julien) voir, et puis je le revis
Il s’était retiré à l’écart sous un chêne
Et il pleurait amèrement, la tête inclinée,
Le pauvre monsieur de Tinténiac en travers sur ses genoux.
écouter la musique sur le site Son Ha Ton : http://per.kentel.pagesperso-orange.fr/frame_barzaz_breiz.htm