Un Nostradamus Breton

Un Nostradamus Breton

Ce texte de Paul Boissière a été publié dans le BULLETIN MENSUEL DE LA SOCIETE POLYMATHIQUE DU MORBIHAN (Tome 116 de Juillet 1990). Je le reproduis in extenso avec l’aimable autorisation de la Société Polymathique. Tous renseignements sur cette société, ses travaux et ses publications pourront être obtenus sur son site http://polymathique.multimania.com

Contacts : Société Polymathique. Château Gaillard. 4, rue Noé. 56000 VANNES.

UN NOSTRADAMUS BRETON ? ER ROUE STEVAN

Personnage mystérieux et énigmatique, le Roi Etienne, plus connu, en Breton, sous le nom de Er Roué Stevan aurait été, dit-on, sous le règne de Louis XV, un vagabond prophète, un Nostradamus des landes, des villages et des chaumières célèbre par ses innombrables prédictions dans la région à l’ouest de Vannes, de Plescop, à Camors, de Baud à Auray, de Baden à Monterblanc. De son vivant, sa notoriété, sa réputation de devin et son influence aurait été telles que plus de deux siècles après lui ses prophéties et ses sentences étaient encore fréquemment citées dans cette région où, même encore maintenant, son souvenir est évoqué dans une grande partie de la population.

Sa biographie présente de très sérieuses lacunes et ses prophéties sont souvent loin d’être claires car il ne savait très certainement ni lire, ni écrire, ni parler français ainsi qu’une grande partie de la population de cette région. Mais il est incontestable que cet étrange personnage a certainement existé même si nous ne savons pas exactement ni son nom, ni la date et le lieu de sa naissance ainsi que de sa mort. Et il est également certain qu’il est extrêmement populaire bien au-delà des limites de sa zone de parcours habituel comme nous avons pu nous en rendre compte au cours d’une longue et minutieuse enquête sur le terrain.

LE PERSONNAGE.
Il a vécu, dit-on, sous le règne de Louis XV, soit approximativement entre 1715 et 1774. On sait que ce règne, brillant à certains égards, a connu par contre des périodes de très grandes difficultés économiques, parfois même de misère et de disette dont les campagnes, et notamment la campagne bretonne, ont particulièrement souffert. A cette époque le nombre des indigents, mendiants et chemineaux étaient important et on les voyait circuler un peu partout, le long des chemins en quête d’un peu de nourriture et d’un abri pour la nuit. On disait à l’époque : « les mendiants, les chiens, l’amour de la barrique. Tels sont les trois plus grands fléaux de l’Armorique ».

Ces vagabonds, ces Klaskour Bara (chercheurs de pain) étaient en réalité assez bien accueillis dans les fermes et les chaumières car ils apportaient quelque chse d’appréciable. En effet, en échange d’un peu de nourriture et d’un coin pour dormir dans le foin ou la paille, ils représentaient un irremplaçable moyen d’information en un temps où il n’y en avait guère d’autres. Ils apportaient des nouvelles recueillies auprès d’autres vagabonds, le long des chemins et dans les villages et s’ils avaient un peu de talent, ils y ajoutaient des contes, des légendes et des chansons.

Ce petit monde des vagabonds constituait un microcosme où tous, dans la même région, se connaissaient, avaient leurs habitudes, leurs itinéraires, leurs lois internes et même leur hiérarchie. Il y avait en effet, parmi eux, des individus qui s’imposaient par leur autorité et leur escendant. C’étaient les « caïds », les « rois » des vagabonds. Tous se réunissaient une fois l’an à Sainte Anne d’Auray pour un pardon et c’était l’occasion pour eux de se rencontrer et de régler leurs problèmes.

Et dans cet univers pittoresque et cocasse des vagabonds de cette région, le nommé Stevan occupait une place prépondérante.

Comment s’appelait-il ?
Où et quand est-il né ?
Nous sommes en présence de trois hypothèses :

– Stevan avait l’habitude d’accompagner ses prophéties de la mention « ceci arrivera quand je serais roi ! » On peut se demander : Roi de qui ? Où ? Quand ? De quelle royauté temporelle ou spirituelle s’agit-il ? On ne sait pas mais ce titre de roi lui serait resté.
– Dans la hiérarchie des vagabonds de la région, Stevan aurait été le plus important et le plus influent. D’où son titre de « roi des vagabonds ».
– Le nom de famille de ce vagabond aurait été tout simplement Lery. Il se serait alors appelé Etienne Leroy, d’où le roi Etienne ou Er Roué Stevan.

On hésite entre ces trois hypothèses. L’avantage de la troisième est qu’elle permet des recherches et, en effet, on a trouvé, dans les registres paroissiaux de Meucon de l’année 1701, la naissance d’un garçon au foyer de Mathias Leroy et de Jeanne Even. Le fait que le nouveau-né ait reçu le prénom de Pierre ne semblerait pas être un obstacle à la crédibilité de cette hypothèse, des cas de changement et de confusion de prénom étant fréquents. Quoiqu’il en soit, il est généralement admis, à tort ou à raison, que le Roué Stevan est bien né à Meucon le 15 mai 1701.

Où, quand et dans quelles conditions est-il mort ?
Au sujet de son décès, une seule hypothèse subsiste, transmise oralement de génération en génération. De son vivant, il avait annoncé qu’il perdrait la vie « par la faute d’un clerc » (d’un prêtre) « ni dans une maison ni dehors ». On pensait alors que ce serait en travers du seuil d’une maison. En réalité Stevan serait arrivé en décembre 1775, à Plougoumelen alors que le village fêtait le mariage d’une fille du pays. Au milieu de la noce, il aurait proféré cette phrase maléfique : « la jeune et belle marié que vous voyez là sera dans la tombe avant un an ».

Irrité par ce sinistre présage, le recteur de la paroisse chassa le vagabond de la noce et les les jeunes gens qui étaient là le poursuivirent à coup de pierres de des bâtons. Stevan réussit à leur échapper et se réfugia à Langarrio, commune de Baden, dans un four à pain où on le trouva mort le lendemain. Le registre des sépultures de Baden mentionne en effet, le 7 décembre 1775, l’inhumation « d’un mendiant dont on ignore le nom, se disant (sic) de Meucon, âgé d’environ soixante quinze ans ». Né à Meucon en 1701, décédé à Baden en 1775, il pourrait s’agir là de notre vagabond-prophète.

Comment était-il ? Comment se comportait-il ?
Nous ne savons rien sur sa famille, son enfance, sa jeunesse. Nous ne le connaissons que comme vagabond.

Il était, parait-il, de petite taille. Certains le voient boiteux, d’autres bossu. On ne sait pas.

Il sillonnait inlassablement la même région en passant à peu près une fois par an dans chaque village de sa zone de parcours jalonnée par Plescop, Locqueltas, Colpo, Locmaria-Grandchamp (Gregam), Bieuzy-Lanvaux, Camors, Locoal-Camors, Trélécan, Pluvigner, Brandivy, Plumergat, Landaul, Brech, Saint Anne d’Auray, Auray, Pluneret, le Bono, Meriadec, Baden, Plougoumelen et Ploeren ainsi que, à l’est, Meucon, Plaudren et Monterblanc. Il aurait aussi séjourné à l’Ile aux Moines. Sa « zone d’influance » dans laquelle on citait encore, à une époque récente, ses prophéties s’étendait bien au-delà, jusqu’à Locminé et même Pontivy, jusqu’à Bubry, Guéméné, Plouay, Hennebont et Carnac ainsi que dans la Presqu’île de Rhuys. A l’est, sa notoriété et son influence ne dépassaient pas la limite linguistique entre le pays de langue bretonne et le pays gallo où il est pratiquement inconnu.

Il cheminait le long des routes et des sentiers, parlant à tous ceux qu’il voyait, certain de trouver le soir un asile accueillant où les voisins se réuniraient pour l’entendre.

Estimé et respecté de tous, il était écouté avec étonnement. Mais il intriguait encore plus le soir lorsqu’il montait dans le grenier pour y dormir dans la paille. Au lieu de se coucher, il se mettait à la lucarne, les jambes pendant dans le vide, les bras croisés et y restait des heures et parfois jusqu’au petit jour à observer le ciel. Et il parlait, ou plutôt marmonnait dans une langue incompréhensible que certains prenaient pour du latin. Il parlait ainsi à la lune, aux nuages et aux étoiles qui semblaient lui répondre, au grand étonnement de tous ceux qui l’observaient.

S’il restait plusieurs jours dans un village, il participait volontiers aux travaux des champs, ce qui lui valait encore plus de considération.

Il n’aimait pas être questionné. Si on lui demandait : « c’est dans la lune que vous lisez l’avenir ? », il répondait : « je ne lis pas, je vois réellement ce qui va se passer ». Question : « vous êtes alors aussi savant que le Bon Dieu ? » Réponse : « Oh non ! Mais je sais quand même beaucoup de choses ».

Il n’aimait pas non plus être surveillé. Un soir, une servante qui s’était hasardée à regarder et à écouter à la porte de la grange où il marmonnait, en a fait la regrettable expérience. Elle a été chassée de la maison et frappée de malheurs.

Tout le comportement de cet étrange personnage contribuait à épaissir le mystère qui l’entourait, d’autant plus que, non seulement connu pour ses prophéties, il passait aussi pour capable de guérir des gens et des bêtes.

LES SOURCES ET LEUR CREDIBILITE.
Ce que nous savons du Roué Stevan et de ses prophéties est parvenu jusqu’à nous par deux voies différentes qui parfois se confondent, se complètent et se recoupent.

La tradition orale.
De sa mort, présumée en 1775, à 1891, toute sa légende a été transmise de bouche à oreille avec toutes les distorsions que l’on peut imaginer (affabulations, exagérations, omissions, déformations, …).
La tradition écrite.
De 1891 à nos jours, elle comporte toute une série d’études, d’articles, de commentaires qui, pour la plupart, s’inspirent les uns des autres et reprennent souvent à leur compte ce qui a déjà été recueilli par la tradition populaire.

En 1891, en effet, un savant ecclésiastique, l’Abbé Guilloux, publie dans la Revue Morbihannaise, un remarquable article de 45 pages exposant tout ce que l’on pouvait savoir, à cette époque, sur le Roi Stevan et ses prophéties. Né en 1848, à Languidic, ayant été pendant 22 ans vicaire à Brandivy, au cœur de la zone de parcours du vagabond, où ce dernier était encore extrêmement populaire, l’auteur de cette étude avait eu la possibilité, au cours d’une longue et minutieuse enquête, de recueillir d’innombrables témoignages de première et de seconde main. L’abbé Guilloux avait pu, dans sa jeunesse, entendre des vieillards qui avaient eux-mêmes connu Stevan et il avait aussi interrogé une foule de personnes dont les parents l’avaient aussi parfaitement connu. Son article s’impose donc et fait autorité par son sérieux, sa documentation et son objectivité.

Tous les articles et toutes les études qui ont été publiées par la suite (voir liste en annexe) s’inspirent plus ou moins directement du travail de l’Abbé Guilloux, à une exception près : le texte de M. Fraval de Coatparquet.

La tradition orale qui avait fourni au vicaire de Brandivy la matière de son article n’en a pas moins continué à se transmettre, parallèlement à la publication de différents écrits consacrés, jusqu’à nos jours, à cet étrange personnage. Cette transmission orale a pu être exploitée au cours d’une longue enquête menée depuis deux ans sur le terrain, dans les villages, les hameaux et les fermes. Toutes les personnes interrogées, si elles sont originaires de cette région, ont entendu parler du Roi Stevan par leurs parents. Elles le qualifient de prophète, de devin, de guérisseur, de sorcier ou de … charlatan. Toutes peuvent citer certaines de ses prophéties ainsi que les circonstances de sa mort, avec d’ailleurs plus ou moins de scepticisme. Toutes parlent également d’un certain livre qui aurait existé dans la plupart des familles, au début du siècle, et serait actuellement introuvable. Ce livre, consacré aux prophéties de Stevan, a été cherché avec acharnement mais en vain et on peut se demander s’il a vraiment existé et s’il n’y a pas de confusion, dans les esprits, avec un autre document (par exemple le texte de l’Abbé Guilloux).

Dans son livre de souvenirs de famille et de jeunesse, « Sans selle ni bride » paru en 1986, M. Fraval de Coatparquet consacre au vagabond-prophète cinq pages pleines d’esprit et d’humour et ce qu’il rapporte ne doit rien à l’Abbé Guilloux, même si cela concorde, mais à la tradition populaire car il s’agit de propos pittoresque recueillis par l’auteur auprès de ses vieux amis de Monterblanc. Dans l’ensemble, ces quelques pages confirment et éclaire d’un jour nouveau l’étude du savant recteur.

On voit donc que la tradition orale, ainsi que les différents écrits publiés, se recoupent et se complètent sans qu’il soit toujours aisé de distinguer les fais réels de l’affabulation.

LES PROPHETIES DU ROI STEVAN
Elles sont très nombreuses et certaines d’entre elles se répètent. Enoncées en breton, dans une langue simple et imagée, elles comportent cependant pas mal d’imprécisions et d’obscurités. Certaines sont incompréhensibles. Dans l’ensemble, elles sont plutôt pessimistes, annonçant fréquemment des décès, des guerres, des périodes de misère et autres catastrophes. Elles se réfèrent d’ailleurs souvent à la fin du monde.

On pourrait les classer sommairement, selon le niveau auquel elles se situent, en trois catégories :
– les prédictions du quotidien, concernant les individus, la famille ou le village, à courte échéance.
– les prophéties à caractère général et historique intéressant la vie de la région, à échéance plus lointaine.
– les anticipations décrivant certains aspects des temps futurs, progrès techniques et évolution des mœurs ou de la société.

Mais il reste des prophéties obscures et incompréhensibles qui ne rentrent dans aucune de ces trois catégories.

Les prédictions du quotidien.
La météo : « Nous aurons un hiver très doux », « le mois de mars sera encore froid », « l’été sera particulièrement sec », « il y aura une terrible tempête fin octobre », « nous aurons un violent orage après demain », « au début de la semaine, il pleuvra trois jours de suite« , etc …

Les cultures : « Ce sera une mauvaise année pour le blé », « nous aurons une excellente récolte de pommes », « les jardins ne donneront rien »,  » tu as tort de semer des petits pois, tu n’en récolteras pas », etc …

Ces prédictions météorologiques et agricoles n’étonneront pas outre mesure. Le monde paysan, très intéressé à la fois par le temps qu’il fait ou qu’il fera et par les conséquences qui en découlent pour le travail des champs et des récoltes, a toujours été très attentif aux phénomènes atmosphériques. Stevan qui était un « rural » vivant la plupart du temps en plein air, devait avoir assez de « flair » de sens d’observation pour être un expert en la matière. Ce « don » n’avait probablement rien de surnaturel.

A ces prédictions, au fond fort normales, s’ajoutaient celles, inexplicables, d’évènements plus surprenants :

– à Plumargat : à un paysan plantant des pommiers aidé de sa jeune nièce : « avant un an, le plus beau plan de ton verger sera mort. » La jeune fille mourut quelques mois plus tard.

– à Pluvigner : parlant du « minour » de Trelecan : « à l’âge de l’adolescence, cet enfant suivra Marion du Faouët et finira mal« . Ce dernier héritier a, plus tard, fait partie de la bande de brigands de la célèbre criminelle et a été condamné aux galères.

– à Plougoumelen : à un homme semant des petits pois : « dépêche-toi d’en semer le plus possible : dès demain, tu pourras en récolter et en manger« . L’homme, incrédule, s’exécute cependant et dès le lendemain, il constate que ses pois sont sortis de terre et bons à être cueillis et mangés.

– à Pluneret : « la plus riche héritière de la paroisse reviendra bientôt de la foire de Grandchamp défigurée et gesticulante« . Le mois suivant, la fille du principal notable de Pluneret revient de la foire de Grandchamp après avoir été mordue par un chien enragé. Selon la coutume, on a mis fin à ses jours.

– à Plumergat : à une mère : « ton fils périra bientôt, à la fois brûlé et noyé. » Chargé de porter un peu de braises dans une écuelle aux hommes travaillant en forêt, le garçon a glissé d’un tronc d’arbre enjambant un ruisseau. Ses vêtements ont pris feu et il s’est en même temps noyé dans le cours d’eau.

– à Sainte Anne :  » à un cultivateur : « cours vite à Gregam (Grandchamp), recrute autant d’ouvriers que tu pourras et moissonne au plus vite ton blé. Après demain soir il y aura un terrible orage et ta récolte risquerait d’être détruite« .

De telles prédictions étaient très nombreuses, elles impressionnaient vivement ceux qui les entendaient et étaient répétées à travers toute la région.

Les prophéties à caractère général et historique.
Stevan annonce des guerres épouvantables, il ne risquait guère de se tromper même si on ne distingue pas bien de quels conflits il s’agit.

Quelques extraits significatifs :
Plus tard, il y aura une grande guerre qui détruira tout … une guerre civile … On se battra jusque sur le seuil de nos maisons … Il y aura beaucoup de tristesse … On pourra passer la charrue sur les villes détruites car même les pierres ne resteront pas … Le pays entier brûlera … Les villes seront rasées le temps de faire sont signe de croix … Ensuite la mer viendra sur le monde … Ce sera l’effroyable nuit blanche …
De quelles guerre s’agit-il ? Des guerres de la Chouannerie ? Stevan fait-il allusion aux bombardements des grandes guerres modernes, à l’arme nucléaire ? Qui peut savoir !

Tout le monde sera massacré … Les survivants seront aussi rares que les moulins à vent … Ils grimperont dans les arbres pour voir s’il en reste d’autres … Une aune de toile suffira pour faire des culottes à tous les hommes et une aune de tissu pour faire des coiffes à toutes les femmes de Grandchamp …
Impressionnant quand on sait qu’une aune valait 1,19 m !

Mais tous ceux qui seront à l’ombre du clocher de Sainte Anne seront épargnés …
Les gens pensaient avec optimisme qu’il s’agissait de tous ceux qui vivaient dans la région et même, pourquoi pas, dans toute la Bretagne !

Lorsque le danger approchera, il suffira de se réfugier dans une cachette avec trois livres de pain …
Une armée nombreuses venant de l’Ouest débarquera dans un port de la région. Les soldats habillés de jaune seront aux ordres d’une reine et conduite par un prince qui ramènera dans le pays l’ordre et la paix …
Un ruisseau de sang fera tourner les moulins d’Auray …
S’agit-il du débarquement de 1795 à Quiberon puis des exécutions des émigrés ?

D’autres prophéties à caractère militaire semblent plus claires :
Un jour viendra où des soldats vêtus de jaune et de vert avec des boutons en or couvriront les landes de Grandchamp. Les sentinelles crieront : Quivi …
N’est-ce pas le futur camp de Meucon dont les terrains d’exercice s’étendent jusqu’aux limites de Grandchamp ? Le mélange du jaune et du vert ne donne-t-il pas la couleur du kaki ? Quivi fait incontestablement penser à Qui vive ?

L’armée se rassemblera en deux fois 24 heures … De nombreux pères feront la guerre en même temps que leur fils …
Les mobilisations de 1914 et 1939 se sont faites en 48 heures. Ces deux guerres ont vu fréquemment le cas de pères mobilisés en même temps que leur fils.

Mais d’autres prophéties sont moins sinistres. Citons en deux parmi de nombreuses.
A Sainte Anne d’Auray, les carrières de March’Guen (le cheval blanc) seront comblées et on y construira des maisons …
Personne ne voulait y croire : c’est maintenant chose faite.

Au Trihorn, à Auray, on commencera un pont et jamais terminera.
Cette phrase a longtemps intrigué. A la fin du Premier Empire, on a bien commencé un pont, les travaux ont bien été interrompus par manque de main d’œuvre mais ils ont repris sous la Monarchie de Juillet et le pont a été terminé contrairement à la prophétie. Mais on s’est aperçu plus tard que l’entrepreneur qui a terminé le pont était un certain monsieur Jamais. Étonnant ?

Enfin, soulignons que Stevan a maintes fois annoncé la venue à Colpo d’une grande princesse qui transformerait tout le pays. C’est ce qui se réalisa vers 1860 avec l’arrivée de la princesse Bacciochi.

Les anticipations : vues sur le monde futur.
Ces anticipations concernent essentiellement :

– l’aspect des campagnes et des routes
– le progrès technique
– les mœurs.

Les landes seront divisées par des clôtures … On plantera partout des arbres toujours verts en forme de balai …
Les sapins inconnus auparavant en Bretagne sont apparus vers 1830.

Il y aura partout des routes empierrées menant à tous les bourgs et à toutes les maisons et ce sera le début de grandes misères …

Pour tirer les charrettes sur les chemins empierrés de cailloux en forme d’œufs, les chevaux remplaceront peu à peu les bœufs …

Il y aura de nouveaux impôts et le peuple sera de plus en plus malheureux …

Il y aura des routes jaunes, des routes rouges, des routes de fer qui se croiseront partout comme des toiles d’araignées … Certaines auront le droit de passage sur les autres …

Les anticipations concernant les progrès techniques sont nombreuses et surprenantes, citons-en quelques unes qui n’ont pas besoin de commentaire :
Un temps viendra où les hommes voleront dans les airs comme les oiseaux … Ils voleront enfermés dans des cages de fer …

Il viendra un temps où la parole sera transmise d’un bout de la terre à l’autre …

Lorsque la fin des temps sera proche, des chars à bancs se déplaceront sans être tirés par des bœufs ou des chevaux …

Des traînées de charrettes se suivront les unes les autres … Elles se déplaceront par le feu à travers les montagnes et les vallées, jusqu’en Chine … Alors la fin arrivera et nous toucherons au bord du chapeau … Les chars mus par le feu rouleront de plus en plus vite sur une route de fer … Ils traverseront la terre sans interruption en tirant à leur suite d’innombrables voitures …

Ces prophéties sont assez claires. En ce qui concerne les mœurs et les habitudes de vie, elles sont aussi étonnantes.
Un temps viendra où tous les enfants passeront par l’école … Rien n’égalera leur indocilité … Ils ne respecteront plus les personnes âgées … Ils iront jusqu’à leur arracher les yeux …

Les lois du jeûne et de l’abstinence seront abolies …Les prêtres porteront des soutanes à queue de pie, mais pendant peu de temps … Après la queue de pie la vie sera dure … Il y aura beaucoup de misère … Puis les prêtres porteront des bonnets carrés …

Les hommes porteront des blouses qui viendront de l’Est …
La mode des blouses est venue du pays Gallo au XIXème siècle.

Les femmes et les jeunes filles porteront des souliers qui monteront à la moitié de la jambe …

Quand le peuple raffolera de l’eau de vie, la fin du monde sera proche … Quand l’excès de luxe règnera dans le peuple, de grands malheurs fonderont sur le pays …

Quand les gens auront la folie de la toilette, tous les malheurs seront proches …

Un temps viendra où les savants deviendront des empoisonneurs … Ils sèmeront le poison et la mort …

Les filles et les femmes seront habillées comme les hommes et de loin on les confondra …

Et en fin une prophétie étonnante : les filles et les femmes seront si audacieuses que les hommes grimperont dans les arbres pour échapper à leurs entreprises …

Quelques prophéties restent encore inexpliquées :
peut-être pourront nous leur trouver un sens
Un temps viendra où les bestiaux seront arrachés à l’étable par la corne … où la récolte sera la proie des sauterelles … où les enfants n’auront que quatre grosses molaires …

Sept ans avant la fin des temps, la natalité subira un arrêt total sur toute la surface du globe … Sept ans auparavant, la terre ne rendra que ce qu’elle a reçu … Nous toucherons alors au bord du chapeau …

Et enfin, la plus étonnante, qui nous laisse perplexe :
Un temps viendra où les paysans planteront des râteaux sur les toits de leurs maisons.

CONCLUSION
La conclusion appartient à chacun de nous, selon sa propre sensibilité. Mais ce qui certain, c’est que Stevan, ce vagabond-prophète, est une énigme.

Etait-il, comme on pourrait le supposer :
– un prophète inspiré, doués de dons surnaturels, transmettant des messages d’une puissance supérieure et invisible ?
– un charlatan, un imposteur, un magicien exploitant la crédulité des gens ?
– un fin psychologue, observateur avisé, esprit clairvoyant, pressentant le cours des évènements et prévoyant avec sagacité l’évolution des gens, des choses et des mœurs ?

Ce qui est certain, c’est que Stevan, le vagabond, a fortement impressionné les populations et que, deux siècles après sa mort, on parle encore de lui et de ses prophéties dans le pays de Grandchamp.

Paul BOISSIERE

ANNEXE 1
ZONE D’INFLUENCE DE STEVAN

ANNEXE 2
ELEMENTS de BIBLIOGRAPHIE

Abbé J.M. Guilloux. Le Roi Stevan in Revue Morbihannaise (1891)
S. Seveno. Professieu er Roué Stevan hag er Brezel Bras. (1915)
J’ai volontairement réduit le nombre des sources citées par P. Boissière à ces deux titres (les plus importants en volume), les autres étant pratiquement introuvables.
Pour la totalité, on se reportera au bulletin de la Polymathique.

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